

En forêt de Fontainebleau, le sentier des 25 bosses "victime de son succès"
Les plus pressés sautent, d'autres s'accroupissent tandis que les plus prudents préfèrent contourner: face aux creux béants qui jalonnent le sentier des 25 bosses, conséquence de l'érosion qui menace cette randonnée bien connue des sportifs en forêt de Fontainebleau (Seine-et-Marne), chaque randonneur a sa méthode.
"On voit que la roche a été un peu mangée, c'est clair", confie Louis Nicolas, un habitué des lieux qui s'est lancé mercredi pour la première fois sur ce parcours - le plus ardu de la forêt francilienne.
"Il y a des passages où l'on sent que ça glisse énormément", regrette l'éducateur sportif, rencontré par l'AFP à mi-chemin du sentier des 25 bosses, une boucle conçue par des passionnés d'alpinisme dans les années 1970.
Pour freiner l'érosion qui grignote les accotements et patine les pentes de cet itinéraire très emprunté - près de 100.000 visiteurs chaque année et jusqu'à 1.700 quotidiens aux beaux jours - l'Office national des forêts (ONF) a entamé début mai un vaste programme de restauration, qui pourrait durer deux à trois ans.
Une "grosse remise à niveau" pour le sentier des 25 bosses, "victime de son succès", résume Sophie David, responsable du service environnement de la zone Île-de-France Est à l'ONF.
Avec ses 17 km de long et ses 900 mètres de dénivelé, la boucle est notamment devenue une référence pour les adeptes du trail (course à pied en pleine nature), à la recherche de montées intenses et de descentes techniques.
Mais les dizaines de milliers de pas qui foulent le chemin chaque année dégradent la végétation superficielle qui retient le sol sablonneux.
"L'érosion des sols est naturelle mais est accentuée par la fréquentation", qui "menace l'écosystème environnant", souligne l'ONF.
Car sans mousse ni jeunes pousses pour le protéger, le sable a tendance à s'écouler plus vite vers le bas de la bosse sous l'effet du vent et de la pluie.
- Rénovation "sur-mesure" -
Le long du chemin, les arbres aux racines mises à nu, les rochers déterrés et les passages accidentés trahissent l'usure du sentier.
Confrontée à ces nouveaux obstacles, Loan, trentenaire venue mercredi pour tenter une seconde fois le sentier des 25 bosses, l'a trouvé "vraiment plus difficile" qu'il y a quelques années.
"On devait moins se servir de ses mains, alors que là, vraiment, depuis tout à l'heure, on ne fait que ça", témoigne l'ingénieure dans l'environnement.
L'érosion pimente le circuit pour les grimpeurs, mais accroît aussi les risques d'accidents, avertit Sophie David. Les arbres avec des racines hors du sol, privés de nutriments et d'eau, pourraient finir par mourir et tomber, tandis que les rochers risquent de se décrocher.
La biodiversité locale, "l'un des réservoirs les plus riches d'Europe" selon elle, souffre également de la fréquentation du chemin qui s'est élargi au fil des années. Mesurant initialement moins d'un mètre de large, certaines portions atteignent aujourd'hui jusqu'à 30 mètres.
Cet élargissement et les chemins de traverse empruntés par les marcheurs pour contourner les embûches "grignotent la nature", où se nichent parfois des espèces protégées, observe Sophie David.
Pour freiner l'érosion du sentier et le consolider, des escaliers en bois et en grès vont être construits sur les portions les plus fragiles. L'objectif de la rénovation, chiffrée à 280.000 euros, est d'"intégrer au maximum au paysage" ces infrastructures, précise-t-elle d'emblée.
"On va les faire sur mesure en fonction de la topographie du terrain, en fonction des racines qu'on rencontre, en fonction des rochers, pour faire comme des marches mais qui vont se patiner avec le temps, et finalement au bout de quelques années, on ne les verra même plus", assure cette responsable de l'ONF.
De quoi rassurer Djemil, qui emprunte le sentier pour la première fois: "On cherche un peu tout, pas que des marches. Sinon, je vais à Montmartre".
O.Karatzas--AN-GR