Le Jiangxi, très secret eldorado chinois des terres rares
Le sol rougeâtre du sud de la Chine renferme une des clés de la puissance du pays: les terres rares, convoitées par le monde entier et exploitées à grande échelle dans des conditions secret-défense.
Les collines de la province du Jiangxi abritent la majorité des mines chinoises de ces éléments métalliques, devenus indispensables tant pour les smartphones que pour les avions de chasse, les voitures électriques ou les éoliennes.
A Ganzhou, épicentre de cette activité, des ouvriers achèvent le nouveau siège social d'un des deux géants étatiques assurant l'exploitation de ce trésor, China Rare Earth Group.
Comme le nom de la société, l'artère où se situe le bâtiment affiche la couleur. Son nom? "Avenue des Terres rares".
Mais un épais voile de secret enveloppe ce secteur aussi stratégique que florissant, comme ont pu le constater des journalistes de l'AFP, qui au cours d'un reportage dans la région ont été constamment suivis et épiés par des hommes non identifiés.
L'accès aux mines et aux usines est strictement restreint et les entreprises sollicitées n'ont accepté aucune demande d'interview.
Le secteur est en plein essor: le nombre sites d'extraction des terres rares en Chine est passé de 117 en 2010 à 3.085 aujourd'hui, selon l'Institut d'études géologiques américain (USGS).
Et les habitants qui acceptent de parler à l'AFP confirment que l'activité est intense.
"C'est l'effervescence 24 heures sur 24, sept jours sur sept", affirme sous couvert de l'anonymat un résident de la ville de Banshi, où un vaste parc industriel doit accueillir de nouvelles installations de traitement.
- Arme redoutable -
Dès 1992, le dirigeant Deng Xiaoping avait souligné l'intérêt stratégique de la ressource: "Le Moyen-Orient a le pétrole, la Chine a les terres rares", avait-il souligné, lançant le développement accéléré du secteur.
Depuis, la Chine a tiré parti de ses réserves - les plus importantes du monde - pour dominer le traitement et l'innovation dans ce domaine.
L'arme s'est montrée redoutablement efficace pour riposter aux droits de douanes infligés au printemps par le président américain Donald Trump.
En imposant des restrictions aux exportations de terres rares et des technologies afférentes, la Chine a fait trembler la planète et obtenu une révision des surtaxes américaines.
Les Etats-Unis recherchent désormais à toute force des approvisionnements alternatifs.
Et l'Union européenne, durement touchée par les restrictions chinoises, a annoncé mobiliser 3 milliards d'euros pour financer des projets d'extraction, de raffinage et de recyclage de terres rares et de matières premières critiques.
Les terres rares possèdent notamment un pouvoir d'aimantation appliqué dans une multitude de domaines.
En Chine, l'industrie est concentrée principalement dans deux zones.
L'une est le district minier de Bayan Obo, en Mongolie intérieure (nord de la Chine). Il abonde en terres rares dites "légères", utilisés en particulier pour les aimants des objets du quotidien.
L'autre zone, autour de Ganzhou, est spécialisée dans les terres rares dites "lourdes", plus difficiles à extraire mais plus précieuses en raison de leur utilisation dans les aimants résistants à la chaleur, les moteurs d'avions de chasse, les systèmes de guidage de missiles et les lasers.
- "Dommages irréparables" -
Les collines escarpées qui entourent la cité regorgent notamment de dysprosium, d'yttrium et de terbium, éléments chimiques particulièrement recherchés.
Il faut des millions d'années aux terres rares lourdes pour se former par érosion de la roche magmatique. Les fortes précipitations et la géologie du Jiangxi en ont fait un lieu propice à leur formation.
Les méthodes d'extraction ont évolué au fil des décennies et les autorités régulent depuis une quinzaine d'années les plus dévastatrices.
L'une d'elles consistait à "abattre les arbres, défricher la végétation et décaper la couche arable, au prix de dommages irréparables", avaient déploré les autorités en 2015.
Aujourd'hui, l'exploitation illégale a considérablement diminué et des panneaux plantés dans les zones rurales proposent une récompense à quiconque dénoncera de tels agissements.
Mais alentour sur les collines, la terre rouge à nu et sur laquelle la végétation peine à repousser porte témoignage des anciennes pratiques minières.
A.Giannakos--AN-GR